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L'engouement pour les produits issus de l'agriculture biologique ne pâtit ni du confinement, ni de l'épidémie de coronavirus: les ventes explosent, parce que les Français entendent "mieux manger" en cette période d'inquiétude sanitaire, mais aussi pour des raisons plus terre à terre.
"Dans ma région, tous les producteurs bio qui font de la vente directe sont dévalisés." Philippe Henry, président de l'Agence Bio, et agriculteur dans une ferme de Lorraine, est lui-même "très sollicité" sur son exploitation, qui réalise de la vente directe de pommes de terre.
Même constat pour Philippe Bramedie, président et fondateur des Comptoirs de la Bio, qui rassemblent 150 magasins indépendants. "Les clients se déplacent un peu moins en magasins, on observe une baisse de fréquentation de l'ordre de 30 à 40% mais qui est largement compensée par un quasi doublement du panier moyen".
Les explications sont multiples. Même si les contrôles touchant les produits bio souffrent du confinement -- qui "restreint considérablement la capacité (...) à procéder aux audits sur site", selon un communiqué d'Ecocert, "leader mondial de la certification en agriculture biologique" --, la période d'inquiétude sanitaire pousse de nombreux consommateurs à se tourner vers des produits perçus comme meilleurs pour la santé.
"Cela n'a rien à voir avec le Covid, je vous l'accorde, mais les gens ont besoin d'être rassurés sur leur santé", expose à l'AFP Guillaume Riou, président de la Fédération nationale des agriculteurs bio (FNAB).
L'ensemble des circuits de grande distribution - supermarchés, drives, commerces de proximité, et même les hypermarchés, dans une moindre mesure - participent à la croissance du bio, précise Nielsen dans une étude publiée le 7 avril.
Mais les points de vente de petite taille sont les plus dynamiques. "Les gens ont le sentiment (...) que cette tendance infectieuse de l'emballage, du rayonnage, de la proximité avec d'autres clients, y agit moins", analyse Guillaume Riou.
En outre, "les gens qui consomment bio étant chez eux" pour cause de confinement, ils consomment davantage de produits bio que s'ils s'alimentaient en restauration collective, laquelle "a peu investi jusqu'à présent sur le bio", rappelle aussi Philippe Henry, de l'Agence Bio.
Autre conséquence de la situation exceptionnelle: les déplacements sont limités, et les Français "se tournent vers leurs magasins de proximité" pour les pleins de course, observe Philippe Bramedie. Au détriment, par exemple, des grandes surfaces de périphérie.
Les Comptoirs de la Bio ont mis en place depuis le début du confinement un service de vente en ligne, via un numéro vert et une boîte mail, de produits à récupérer en magasin où à se faire livrer. "Ça marche très fort", avec un panier moyen "de l'ordre de 110 à 120 euros", note Philippe Bramedie, qui a dû recruter.
"Le recentrage sur le commerce en ligne ou de proximité, où le poids du bio est structurellement plus important, joue mécaniquement en faveur de la croissance de ces produits", synthétise Antoine Lecoq, consultant pour le cabinet Nielsen.
Les territoires où la croissance du bio est la plus forte fin mars, par rapport à l'année précédente, se situent "dans le Nord et le Nord-Ouest, ainsi que dans l'Est et le Sud-Ouest", note Nielsen. C'est "à la fois le reflet du poids important du bio dans ces zones, mais aussi, plus généralement, du fait que les familles sont plus représentées dans ces départements".
Une exception: Paris, où les ventes progressent peu. Nielsen relie la tendance au départ en régions de nombreux Parisiens, notamment étudiants, impression confirmée du côté des Comptoirs de la Bio. "On observe un fort dynamisme sur toute la bande Sud-Est, qui vient de gens qui se sont déplacés, on le voit bien dans nos commerces", glisse le méridional Philippe Bramedie.
Pas de raison que la tendance s'éteigne. "La crise sanitaire que nous traversons va remettre un fort focus sur les produits santé, comme on le constate déjà dans l'opinion publique en Asie", écrit Daniel Ducrocq, directeur des Services à la Distribution chez Nielsen.
"On est en train de réaliser que l'alimentation, il y a des gens qui la produisent", renchérit Philippe Henry. "C'est un élément qui durera" et ne peut que réjouir les exploitants se plaignant d'"agribashing".
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