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Dans Médecin de campagne, le docteur Jean-Pierre Werner, campé par François Cluzet, a tout sacrifié pour assurer son métier en plein cœur de la Normandie, 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Jusqu'au jour où il tombe malade, et doit accepter d'être secondé par Nathalie Delezia, jouée par Marianne Denicourt. " Tous les habitants, dans ce coin de campagne, peuvent compter sur Jean-Pierre, le médecin qui les ausculte, les soigne et les rassure jour et nuit, 7 jours sur 7. Malade à son tour, Jean-Pierre voit débarquer Nathalie, médecin depuis peu, venue de l’hôpital pour le seconder. Mais parviendra-t-elle à s’adapter à cette nouvelle vie et à remplacer celui qui se croyait… irremplaçable ?"
Thomas Lilti a raccroché sa blouse, il y trois ans pour réaliser des films sur l’univers de la médecine. Après son long-métrage, Hippocrate, consacré à l’histoire d’un jeune interne, l'ancien docteur revient avec "Médecin de campagne", en salles mercredi.
Quelques mots du réalisateur THOMAS LILTI
Pourquoi, après avoir réalisé HIPPOCRATE, avoir eu envie de raconter l’histoire d’un médecin de campagne ?
Avant de faire des films, j’ai été médecin. Cela m’a permis d’effectuer des remplacements en milieu rural. Ces années durant lesquelles, jeune interne, j’ai été conduit à remplacer des médecins chevronnés installés à la campagne, m’ont beaucoup nourri. Devenu réalisateur, j’ai eu naturellement envie de transformer toute cette matière emmagasinée en un film. D’un point de vue scénaristique, rien de plus romanesque que la figure du médecin de campagne.
Le médecin de campagne est un véritable héros populaire, les gens l’aiment... Et qui a comme particularité d’être en voie d’extinction ?
Il faut empêcher les déserts médicaux de gagner du terrain et tout mettre en œuvre pour que ces médecins ne disparaissent pas. C’est, pour moi, un enjeu social majeur et j’ai choisi de porter cette problématique au coeur du film. À cause de la désertification des campagnes, ce métier tend, hélas, à disparaître. Le médecin de campagne est donc, plus que jamais, perçu comme un héros positif. Il incarne un rôle social majeur, faisant le lien entre les générations, luttant contre l’isolement et la solitude de ses patients. En faisant ce film, j’avais à cœur de rendre hommage à ce métier dont j’ai pris conscience de l’importance lorsque, jeune médecin, je faisais des remplacements en Normandie ou dans les Cévennes. J’ai eu, alors, la chance de côtoyer des hommes et des femmes exceptionnels.
Pour incarner ce héros populaire, vous avez fait appel à un acteur très populaire, François Cluzet. Est-ce là la raison de votre choix ?
Rien de moins anodin que de proposer le rôle principal d’un film à un acteur très populaire ! Il me semblait cohérent et naturel de faire appel à François Cluzet, très aimé du public, pour jouer le rôle d’un médecin de campagne.
Dans le film, le médecin de campagne apparaît comme une sorte d’homme à tout faire, à la fois soignant, confident, conseiller...
Être à la fois un soignant et un confident fait en effet partie de la spécificité du médecin de campagne. Autre caractéristique : sa raréfaction. Et, par conséquent, une surcharge de travail, qui fait que la plupart de ces praticiens sont épuisés. D’autant plus qu’ils ont de moins en moins souvent la possibilité d’être remplacés ou épaulés.
Jean-Pierre Werner est dans une situation extrême. Très vite, on apprend qu’il est malade et va vivre tout au long du film dans une sorte de course contre la maladie. Cette figure du médecin malade me plaisait. Elle me permettait d’accéder à la dimension romanesque que je recherchais. Ainsi, mon personnage allait vivre une aventure singulière. Et puis en faire un médecin malade me permettait de contourner la problématique des déserts médicaux ; de traiter cette question non pas de façon frontale mais en la détournant un peu de façon à aborder la question fondamentale de la transmission. Le fait qu’il soit malade le contraint à se faire seconder. On lui impose une remplaçante. C’est à cette médecin qu’il va devoir transmettre tout son savoir.
C’est justement le médecin hospitalier qui l’a pris en charge pour sa tumeur qui, de lui-même, propose à Nathalie d’aller l’aider, d’aller le seconder...
Plusieurs raisons à cela. Au départ, Nathalie, le médecin joué par Marianne Denicourt, n’a pas les compétences pour exercer à la campagne. Le médecin hospitalier, en l’envoyant aider le docteur Werner, sait parfaitement à qui elle va avoir à faire : une tête de mule ! L’un de ces médecins très expérimentés qui n’aime pas trop qu’on décide pour lui. D’ailleurs, Werner n’est pas franchement ravi de la voir arriver.
Il va même dans un premier temps se livrer à une sorte de bizutage.. .
Une mise à l’épreuve. C’est un homme qui vit seul depuis longtemps. Il n’a pas du tout envie de voir quelqu’un empiéter sur son territoire. Et puis il est malade et ne veut pas que ça se sache. Cette femme constitue donc d’emblée un danger pour lui. Mais ce bizutage ne va pas durer, il prend conscience des compétences de cette femme. Il s’aperçoit qu’il pourrait avoir besoin d’elle. Sans parler de cette dimension altruiste de Werner : il aime transmettre.
MÉDECIN DE CAMPAGNE est un film qui a un ancrage social, sociologique, géographique très fort. En revanche, l’ancrage politique semble avoir été mis de côté...
Je ne pense pas avoir complètement évacué cet aspect des choses, même si je ne le traite que par petites touches. Pour moi, MÉDECIN DE CAMPAGNE est aussi un film politique. Tout au moins, un film engagé. Par exemple, sur le problème des déserts médicaux et des maisons de santé, qui est le grand sujet politique lié à la médecine de campagne aujourd’hui, je donne mon avis au détour d’une scène...
Quelques mots de l'acteur FRANÇOIS CLUZET
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’accepter ce rôle de médecin de campagne ? Un rapport particulier que vous entretenez avec la médecine ?
J’ai toujours voulu être acteur non pas pour jouer mais pour vivre. Pour vivre les rôles. Ainsi, j’ai eu plein de bouts de vies que je vivais comme des vies entières. L’idée de me croire médecin, c’était un rêve. On est, je crois, nombreux à l’avoir voulu ce rapport à l’humanité, à la santé, à la guérison, à l’échec, tous ces bouleversements mélodramatiques qu’offre la médecine ! Et puis la rencontre avec Thomas Lilti a fini de me convaincre, c’est quelqu’un de rare, très à l’écoute. Il a du être un bon médecin parce qu’il est devenu un formidable metteur en scène. J’ai toujours eu beaucoup d’admiration pour ces médecins qui se tournent vers le cinéma, la littérature ou le théâtre. Tchekhov évidemment. C’est intéressant de voir comment le scientifique peut avoir le goût de l’irrationnel. Et puis le personnage, ce docteur Werner, malade, qui devrait penser à lui, se dépêcher de changer de contrée. Et non, le sacerdoce, la vocation, sont les plus forts. En ce sens, être médecin c’est finalement assez proche du métier d’acteur. Chez nous aussi, il y a une part de vocation, de passion, d’abnégation et c’est presque obligatoire.
Vous incarnez à la perfection un médecin, sa gestuelle, sa capacité d’écoute, son regard, son rapport aux autres. Comment avez-vous fait pour arriver à quelque chose d’aussi ressenti ?
C’est un rôle magnifique. Un rôle méritant et sensible. Un médecin malade, qui ne s’occupe que des autres ! Un altruiste, un vrai. Le don de soi, essentiel dans notre métier aussi. Ne pas prendre le public pour un imbécile. Faire en sorte que les émotions soient ressenties avant d’être livrées.
MÉDECIN DE CAMPAGNE est, aussi, un film politique qui évoque ces campagnes françaises qui se sentent à l’abandon, ces médecins qui acceptent de consulter pour 23 euros...
Bien sûr c’est aussi un film politique et social. On y entend des vérités, la sectorisation, la lourdeur de l’administration française, ce qu’on appelle les déserts médicaux. En vivant à Paris ou dans les grandes villes on a tendance à croire que les médecins sont tous des bourgeois, qu’ils exercent boulevard Saint Germain à 150 euros la consultation. Ce n’est pas comme ça que ça se passe !
Pour ce rôle, vous avez lu des livres, vu ou revu des films ?
J’ai fait plutôt un travail introspectif. Enfant, j’ai eu la chance de rencontrer des médecins qui m’ont sauvé de l’asthme et j’ai été comme beaucoup confronté aux graves maladies de certains de mes proches, j’ai vu à cette occasion de près ce qu’est un homme ou une femme médecin. Le don de soi. Et puis je me suis aussi souvenu de mauvais médecins. L’un par exemple qui ne voulait pas prescrire une radiographie des poumons à un ami qui pourtant le lui demandait depuis plusieurs mois. Finalement, il y consent en lui disant : « Je vous parie un bonbon que vous n’avez rien ». Mon ami fait la radio, on lui annonce un cancer incurable, il rappelle ce médecin et, sur son répondeur, lui laisse ce message : « Vous avez perdu, c’est vous qui me devez un bonbon ». L’humanité de mon ami qui va mourir et qui lui laisse ces simples mots, m’a bouleversé... La vérité, c’est que je rêvais aussi d’être médecin mais qu’il n’y a qu’en étant acteur qu’on peut tout vivre !
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