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Pendant quelques jours on a pu croire que les Français allaient pouvoir choisir leur candidat à l'élection présidentielle en fonction du programme de chacun d'entre eux. Ainsi, avec Place de la santé, la Mutualité française a offert à chacun l'occasion de présenter ses orientations en matière de santé et beaucoup de médias ont proposé des dossiers sur le sujet. Depuis, les « affaires » ont fait taire les discussions alors que sur le fond beaucoup de questions restent à leur poser à propos des mesures qu'ils ont avancées.
Prévention : promesse ou illusion ?
Une illustration. Tous se retrouvent pour faire de la prévention le point cardinal de leur politique de santé. Mais sur quelle(s) thématique(s), avec quels moyens et quelle organisation ?
Il existe des cibles bénéfiques en termes de santé publique mais pas ou peu populaires et, inversement, des sujets parfaitement inutiles mais qui offrent l'avantage de faire plaisir à tout le monde.
Quelques exemples :
Prendront-ils enfin les mesures indispensables pour lutter contre l'alcoolisme, première cause de maladies, d'accidents, de ruptures sociales, première ligne de dépense ? Ce qui demanderait de faire de l'alcoolisme au volant une cause au moins aussi importante que la vitesse en matière de sécurité routière… Mais, et je le démontre, la lutte contre la vitesse rapporte plus que celle contre l'alcool alors même qu'elle n'est plus, et de loin, la première cause des accidents.
Et contre le tabagisme, les candidats porteront-ils enfin le paquet de tabac à 10 € quelle que soit la répercussion de l'augmentation par les fabricants, sachant que c'est désormais la seule mesure efficace ? On a trop vu des ministres de la Santé, de gauche comme de droite, préconiser ces mesures puis se faire recaler en dernière instance par Bercy.
Et quelle idée se font-ils de la prévention qu'ils ont tous à cœur de défendre ? Celle de la période hygiéniste, génétique et capteurs en plus ? Largement poussée par le lobbying des assureurs, une tendance se fait jour dans la population, celle de ne payer que pour ses propres risques : pourquoi irais-je payer le traitement contre le cancer des fumeurs puisque je ne fume pas ? Pourquoi financerais-je l'assurance maladie de celles et ceux qui ne font pas de sport, qui mangent n'importe quoi, voire qui ne cotisent pas ? Si je suis « vertueux » dans ma vie, pourquoi contribuerais-je à payer les comportements « déviants » des autres ?
Nous sommes tous « déviants » un jour ou l'autre, en étant porteur d'un gène défaillant, en pratiquant un sport à risque, en nous exposant trop au soleil pendant nos vacances, en aimant trop la viande et pas assez les carottes… Et je m'inquiète : que se passera-t-il le jour où, grâce aux géants du Web et aux milliards de capteurs que j'appelle dans ce cas des « mouchards », les mêmes assureurs disposeront de toutes les informations pour nous dicter nos conduites et nous infliger à chaque « déviance » une surprime ?
Enfin, pour qui s'intéresse de près à la prévention, il est flagrant que le Canada, qui en a été le modèle pour la plupart des pays développés, n'en n'a pas tiré les bénéfices promis. La prévention efficace coûte cher et l'argent qu'on lui consacre n'est évidemment plus investi dans le curatif. Illustration : les délais d‘attente pour des interventions au Canada atteignent des niveaux records.
Demain on soigne gratis
Derrière cette tendance se profile un changement radical de modèle : d'un système solidaire et universel nous risquons de basculer vers un modèle individuel ; finie la solidarité entre les générations, entre bien portants et malades. Qui posera la question de leur modèle aux candidats, qui saura les faire sortir de leurs promesses ? « … aucun soin utile ne sera déremboursé », promet Emmanuel Macron qui souhaite aussi rembourser lunettes, prothèses dentaires et appareils auditifs ; « …le niveau de prise en charge des dépenses » par l'Assurance maladie « ne diminuera pas », annonce François Fillon, qui ajoute : « un reste à charge zéro pour les dépenses les plus coûteuses ». Il faut un « droit à la santé universelle », répond Benoît Hamon, quand Marine le Pen déclare qu'elle garantira « la Sécurité sociale pour tous les Français » y compris le « remboursement de tous les risques pris en charge par l'Assurance maladie ». Mais aucun de ces candidats ne donne la formule magique grâce à laquelle réussir le tour de force non seulement de remettre les comptes à l'équilibre mais surtout d'en augmenter la dotation, car la seule prise en charge des restes à charge (RAC) qu'ils promettent tous alourdirait déjà la facture de plusieurs milliards.
Si certains candidats avancent des solutions – transferts de compétences entre régimes obligatoire et complémentaire, suppression de certaines aides… –, il est nécessaire qu'ils expliquent, devant des experts, comment ils comptent financer leur programme santé alors même que les hôpitaux sont en crise profonde et leur personnel à bout de souffle. Les citoyens ne leur demandent pas de rentrer dans les détails et d'exposer des « mesurettes » mais leur ambition et la vision qui les habitent pour notre système de santé.
Quel diagnostic pour quel traitement ?
Et même, avant de connaître les remèdes, nous voudrions être sûrs que les candidats disposent tous d'un diagnostic précis et rigoureux de la situation. J'affirme et démontre dans mon essai que « plus de 50 000 personnes meurent des dysfonctionnements de notre système de soin, l'équivalent d'une ville comme Angoulême ou Bastia rayée de la carte chaque année.
Car avancer des grandes idées, parfois généreuses, parfois fondées, d'autres fois parfaitement irréalistes est une chose, devoir s'en expliquer, argumenter pour convaincre, nous parlons de médecine, en est une autre. Par exemple, supprimer l'aide médicale d'État (AME) sauvera la Sécurité sociale selon Madame Le Pen. L'AME représente un budget d'1 million d'euros sur 500 millions d'euros, 1/500
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; on joue à la marge. Mais, surtout, pense-t-elle raisonnable que des personnes porteuses de la tuberculose, par exemple, habitent dans nos villes sans être soignées ? Compte-t-elle demander aux médecins de ne plus soigner les sans-papiers et les sans-le-sou ? Il faudrait pour cela modifier la Constitution, le Code de santé publique et transformer le serment d'Hippocrate. Qu'en pense le Conseil national de l'ordre des médecins ?
Benoît Hamon, lui, considère l'hôpital comme le navire amiral de la flotte santé et, estimant qu'il va mal, souhaite le sortir de la tarification à l'activité (T2A). S'il est indéniable que cette tarification a des effets délétères pour certaines activités, particulièrement dans la médecine de pointe et le médico-social, est-ce la priorité pour sauver l'hôpital public ? Et, en amont de cette question, faut-il sauver ce vestige de la fin de la Seconde Guerre mondiale ?
Pas sûr que tous nos candidats répondent de la même manière à cette question. Pour certains le privé fait mieux et moins cher, pour d'autres une concurrence entre privé et public est saine, pour d'autres enfin l'hôpital public est la seule voie pour garantir à tous un accès aux soins. Se sont-ils positionnés sur cette question centrale ?
Non.
Je démontre aussi dans cet essai, preuves à l'appui, que la fin des petits et moyens hôpitaux publics est programmée et quasi inéluctable. Qui me répondra ?
Nous attendons aussi toujours des candidats qu'ils annoncent ce qu'ils feront en faveur des personnes âgées et handicapées. Leur l'enfermement constitue un authentique scandale de santé publique, révélateur d'un manque d'intérêt politique comme d'un manque d'opportunité industrielle devant un champ qui s'ouvre considérablement, démographie oblige.
Candidats, c'est l'heure de l'examen médical
Aucun des candidats ne semble avoir pris la mesure de la situation extrêmement périlleuse dans laquelle se trouve notre médecine hospitalière comme libérale. J'explique dans mon essai que ce déni de réalité tient au fait que les candidats comme leurs conseillers n'ont pas recours à la même médecine lorsqu'ils en ont besoin que le commun des Français. Cela suffit-il à justifier cette myopie, sinon cet aveuglement ? Il est grand temps que les candidats s'expliquent maintenant sur le fond de leur programme santé.
Antoine Vial
Santé, le trésor menacé, Antoine Vial – Éditions L'Atalante, 15 € ; en numérique, 6,99 €.
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par
morandini
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